C’était un 21 avril, il faisait beau et certains tentaient de me persuader de « voter utile »

21 avril 2011 § 3 Commentaires

En lisant les derniers billets en date d’Intox2007  et de Melclalex  , je me suis souvenue de ce 21 avril 2002, du résultat du premier tour de l’élection présidentielle à l’issue duquel le candidat socialiste Lionel Jospin était éliminé , laissant en lice pour le second tour Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. Ce qui revenait, de mon point de vue, a demander aux électeurs de choisir entre Charybde et Scylla, entre la peste et le choléra.

Je me souviens de la déplorable réaction de Lionel Jospin, prenant acte de ce résultat du premier tour et de mon soulagement en l’entendant, déclarer qu’il se retirait de la vie politique.

Car ce 21 avril 2002, j’en voulais à Lionel Jospin premier ministre, à ses successifs ministres des finances que furent DSK et Laurent Fabius, à des prétendues socialistes comme Pierre Mauroy, Jean-Pierre Chevènement,Martine Aubry, Élisabeth Guigou,  Marylise Lebranchu, d’avoir transformé le parti socialiste en un parti de centre droit, d’avoir sacrifié l’idéal humaniste (si tant est que ces gens-là l’aient un jour partagé) du socialisme initial au profit de l’idéal économique libéral.

Ce faisant, ils sont certes devenus d’excellents gestionnaires, mais ça n’était plus pour assurer à l’ensemble de la population une qualité et un niveau de vie épanouissant. C’était bien plus pour rassurer les marchés, favoriser la mondialisation et la dérégulation économique tout en essayant de maintenir une paix sociale absolument nécessaire pour que ces réformes profondes de notre société puissent se faire en toute opacité et sans demander l’avis des citoyens.

Alors certes, on peut mettre au crédit des gouvernements Jospin d’avoir mis en place les 35 heures sans perte de salaire, les emplois jeunes, des droits nouveaux du travail, le maintien des retraites, la CMU, l’APA, le PACS, la parité. On peut leur reconnaître d’avoir fait retomber le chômage sous la barre fatidique de 2 millions (tout de même) de chômeurs. On doit reconnaître, si l’on veut rester objectif que c’était qui a su équilibrer les comptes sociaux et qu’elle a mis en place une police de proximité dont l’action positive ne peut être niée.

Mais dans ce bilan, il ne faut pas oublier que le gouvernement Jospin a amputé la France d’une grande partie de son patrimoine et de ressources financières importantes en privatisant à tour de bras.

Privatisation des banques et assurances publiques ont été amorcées, facilitées, préparées par le gouvernement Jospin et sa majorité présidentielle. Il en va de même pour des secteurs comme l’énergie (EDF), les télécommunications et les multimédias (France Telecom et Thomson), la construction et le transport aérien (Airbus, Air France). Nous voyons, neuf ans après, en consultant la terrible augmentation permanente de nos factures, et en la comparant avec la stabilité qu’elles avaient avant la privatisation, à quel point nous avons été lésés par ses décisions du gouvernement Jospin et en observant l’accroissement perpétuel du déficit des caisses de l’État, à quel point les finances publiques, et donc l’ensemble des citoyens français au travers des impôts et des taxes, pâtissent du manque à gagner que ces privatisations ont généré.

Au-delà des privatisations, j’avais encore en tête la désinvolture  avec laquelle Lionel Jospin avait pris position , en 1989, lors de l’affaire du plan social de Michelin . Entendre un premier ministre socialiste déclarer « L’Etat ne peut pas tout », constater que malgré cela il a la prétention d’être président de la république, c’est une atteinte à l’intelligence.

Entendre le même prétendre depuis Villepinte en octobre 1997  que « la première des libertés, c’est la sécurité » , bafouant ainsi la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui loin de priorité nos libertés, met à égalité la sécurité, ou « sûreté »,  avec la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression, c’était, aller à l’encontre de de la défense DES libertés, entrer dans le discours traditionnel de la droite conservatrice et outrepasser la « Lettre à tous les Français » (1988) de François Mitterrand, qui lui valut d’être réélu et dans laquelle le discours sécuritaire était absent.

Alors, ce 21 avril 2002, lorsque je ne suis pas allée voter pour soutenir Lionel Jospin, c’est parce que j’avais non seulement en tête les privatisations qu’il avait décidées mais également parce que, au travers de ce qui s’était passé dans d’autres pays, je savais qu’inéluctablement cette décision n’avait rien à voir avec l’étiquette socialiste et serait préjudiciable à la France et aux Français, notamment les plus modestes d’entre eux.

Dès lors, c’est un choix assumé, éclairé que j’ai fait ce jour là en m’abstenant d’aller, par mon vote, soutenir une politique que je désapprouvait. Non seulement j’assume ce vote de 2002, mais je ne le regrette pas du tout.

Neuf ans après, je regrette que tous ceux (excepté Ségolène Royal et Jean-Luc Mélenchon), socialistes, écologistes, etc., qui, à gauche, avaient soutenu, soit en tant que ministre soit en tant que parlementaire, la politique du gouvernement Jospin, sévissent encore dans les milieux politiques et aient encore la prétention de représenter le Socialisme, la gauche sociale.

Je regarde même avec un certain cynisme , depuis 2007, les mêmes “pseudo socialistes”, saboter la campagne de Ségolène Royal et, aujourd’hui, surfer sur la montée du Front National pour essayer, en appelant au vote utile, à la candidature unique pour le premier tour de l’élection présidentielle de 2012, de nous fourguer Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry comme président de la république.

Je comprends parfaitement que pour ces gens-là, la démarche de Ségolène Royal, notamment sa volonté de proximité avec les électeurs et d’enrichissement des connaissances des citoyens, grâce aux universités participatives populaires, est perçu comme un socialisme beaucoup trop démocratique et révolutionnaire.

Je comprends également que la franchise sans gants, ainsi que les propositions de bon sens de Jean-Luc Mélenchon, représentent un immense danger pour ceux-là mêmes qui marchent main dans la main, au nom d’un pragmatisme illusoire, avec les plus néolibéraux des « oligarques mondialisants ».

Et je comprends enfin que pour des gens qui pensent que « l’État ne peut pas tout » – et surtout que cela arrange que l’État ne puisse pas tout – il soit indispensable de faire taire tous ceux qui, par leur action ou par leurs propos, pourraient révéler aux yeux des électeurs la supercherie de parties qui se disent de gauche ou écologistes alors qu’au final ils soutiennent la logique libérale, ne considère le socialisme et l’écologie que comme un emballage de leur carriérisme.

Dès lors, si brièvement , moi qui regarde rarement le passé, je me suis demandée aujourd’hui ce que j’avais voté en 2002 et pourquoi un tel choix, je reconnais que cela aura eu au moins l’avantage de me permettre de réaliser que ce qui a motivé mon vote de 2002 est toujours d’actualité.

Il est donc fort probable que pour l’élection présidentielle et les élections législatives de 2012, faute d’un changement profond de l’idéologie du PS et du fonctionnement de EELV, si par malheur Ségolène Royal ne remporte pas l’élection primaire socialiste, ce ne seront pas des appels désespérés au vote utile, à une candidature unique, ni même des sondages douteux qui ressemblent plus à des machines à laver cerveau qu’à des démarches scientifiques, et encore moins la crainte de voir le Front National accéder aux hautes fonctions de l’État, qui me décideront à aller mettre un bulletin de vote, autre qu’un bulletin blanc, dans l’urne.

Que voulez vous, je ne suis pas de ces électeurs qu’on manipule par la peur, par l’imposition des idée de ceux qu’on désigne comme les penseurs, et encore moins par idéologie dévoyée…Et en cela je crois que je ressemble à énormément de mes concitoyens….

Sources : Intox 2007  ; à perdre la raison  ; Dailymotion ; Rue 89 ; Libération ;résistances et changements

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